Je croyais fermement que la vieillesse ne me trouverait pas seule, car j’avais deux enfants qui, je pensais, seraient toujours là pour moi. Mais quelle illusion j’ai nourrie ! Dès que je suis tombée malade, tous se sont détournés de moi.
Mes enfants, ceux que j’ai élevés avec tant de sacrifices, semblaient indifférents à mon état. Le plus douloureux, c’est cette révélation amère : je ne compte plus pour personne.
J’ai élevé mes enfants seule, leur père étant décédé dès la naissance de mon fils cadet. Depuis ce moment-là, j’ai dû tout porter sur mes épaules. Plusieurs emplois à la fois, des journées interminables,
pour leur offrir le meilleur, leur permettre de rêver à un avenir meilleur. J’ai même payé leurs études, à bout de forces, sans jamais me reposer. Quand ils ont trouvé du travail, j’ai été soulagée, heureuse pour eux.
Tant que ma santé le permettait, j’étais là, chaque jour, à m’occuper de mes petits-enfants. Je les emmenais à l’école, je les soignais, je les aidais dans leurs devoirs. Je leur donnais tout ce que je pouvais, espérant qu’un jour,
ce geste d’amour et de dévouement serait un retour d’ascenseur quand j’en aurais besoin. Mais tout s’est écroulé lorsqu’un jour, la maladie m’a frappée. Je n’ai pas eu le temps de m’y préparer, et je me suis retrouvée à l’hôpital, seule, abandonnée.
Pendant presque un mois, j’ai lutté contre la maladie. Mon fils n’est venu me voir qu’une fois, et ma fille, elle, n’a même pas pris la peine de m’appeler. C’était comme si je n’existais plus pour eux.
Mon cœur se brisait à chaque moment, chaque pensée, chaque souvenir de ce que j’avais sacrifié pour eux. À ma sortie de l’hôpital, les médecins m’ont conseillé de me reposer, de prendre soin de moi.
Mais mes enfants, au lieu de respecter cela, ont trouvé un moyen de me rendre encore plus malade. Ils ont apporté les petits-enfants, malgré ma demande explicite de calme et de repos. Comment aurais-je pu récupérer dans de telles conditions ?
J’avais besoin de silence, de tranquillité, mais mes propres enfants n’entendaient même pas mes supplications.J’ai demandé à mon fils de m’emmener chez le médecin, mais il m’a répondu qu’il était trop occupé. J’ai dû prendre un taxi,
avec les dernières pièces que j’avais, car je ne pouvais même pas envisager de prendre les transports en commun. Ma fille m’a conseillé de faire venir les urgences, pour ne pas déranger leur travail. J’étais abattue.
Ils ne comprenaient rien de ce que je vivais. Lorsqu’on m’a hospitalisée à nouveau, les médecins ont insisté pour que je ne sois pas seule, mais mes enfants n’ont toujours pas réagi. Puis, le moment décisif arriva : je ne savais pas où aller.
Ma fille a refusé de m’héberger, disant que son appartement était trop petit. Mon fils, quant à lui, a dit que sa femme était contre l’idée d’accueillir sa belle-mère. Alors j’ai explosé, brisée par la douleur : « Allez-vous-en, tous les deux !
Ne revenez jamais ! Je me débrouillerai sans vous ! » Ils n’ont pas protesté, au contraire, ils semblaient soulagés. Mais moi, j’étais anéantie. Comment étaient-ils devenus si égoïstes, si insensibles ? Où était l’amour que je leur avais donné pendant toutes ces années ?
La nuit, je n’ai pas pu dormir. Je pensais à tout ce que j’avais sacrifié pour eux, et à la façon dont ils m’avaient laissée tomber, moi, qui les avais toujours soutenus. Le lendemain matin, une jeune femme de l’étage inférieur, Katja, est venue frapper à ma porte.
Elle était au courant de la situation, elle m’avait vue lutter. Elle m’a dit qu’elle ne me laisserait pas seule, qu’elle m’aiderait. Un étranger, un voisin, me tendait la main alors que mes enfants m’abandonnaient. Je me suis laissée aller, je lui ai tout raconté, tout pleuré.
Katja a insisté : « Je ne te laisserai pas tomber. » Et depuis ce jour, elle est venue presque tous les jours. Je lui donne ma petite pension pour qu’elle puisse acheter de la nourriture, des médicaments, régler les factures.
Et tout ce qu’il me reste, elle le garde pour elle. Je suis complètement dépendante d’elle, je ne peux même plus aller acheter du pain toute seule. Et mes enfants ? Rien. Aucune nouvelle. Tout ce que je sais, c’est que Katja s’occupe de moi et que, maintenant,
ils n’ont plus à se soucier de moi. Ils m’ont oubliée, délaissée comme un vieux souvenir. Je ne pensais pas que mes enfants pourraient me faire ça. Mais la vérité, c’est que je me rends compte qu’ils ne m’ont jamais vraiment vue, jamais vraiment écoutée.
Ils n’ont jamais compris l’amour inconditionnel que j’ai donné. J’ai sacrifié ma vie pour eux, mais je suis une étrangère pour eux maintenant. La leçon est dure, mais elle est nécessaire : on ne peut jamais être sûr que ceux qu’on aime seront là quand on en aura besoin.
Il faut les élever avec sagesse et leur enseigner l’empathie. Sinon, on se retrouve à compter sur des inconnus pour combler le vide.