Ma grand-mère, Erzsébet, a aujourd’hui 80 ans et cela fait vingt ans qu’elle a presque totalement rompu les liens avec sa famille. Elle ne célèbre plus les grandes occasions avec nous, ne garde même plus les numéros de téléphone
de ses proches dans son téléphone. Pendant longtemps, je n’ai pas compris pourquoi. J’ai cru qu’il y avait un conflit ancien qui expliquait cette coupure. Mais lorsqu’elle m’a enfin révélé la vérité, j’ai compris que son point de vue était bien plus profond et justifié que je ne l’aurais imaginé.
Erzsébet vit selon une philosophie de vie que j’ai d’abord trouvée choquante : elle pense qu’il ne faut pas entretenir de liens trop proches avec les membres de sa famille. Elle explique cela par les changements profonds qui accompagnent le vieillissement :
« Les gens changent profondément en vieillissant, mon cher », me dit-elle souvent, « l’idéalisme et le désir de perfection de la jeunesse s’estompent. Ce qui reste, c’est une vision plus mûre et sage de la vie, une vision qui accepte que rien dans la vie ne soit vraiment parfait. »
En vieillissant, les gens aspirent avant tout à la tranquillité. Une tranquillité intérieure que seuls ceux qui ont atteint cet âge peuvent comprendre. Ils prennent pleinement conscience de la fragilité du temps et de sa fuite irrémédiable,
et ils chérissent chaque instant qu’ils peuvent passer pour eux-mêmes, ou avec ceux qui comptent véritablement à leurs yeux. Ce qui m’a profondément touché, c’est sa conception de la communication. Elle dit :
« Je ne veux plus entendre ce que j’ai fait de mal, ni les erreurs que j’ai commises. Je veux plutôt partager ce que j’ai appris, mes expériences, mes conseils, ma sagesse. » Et là, dans ses mots, il y a une telle profondeur que cela me coupe le souffle.
Mais ce qui pourrait être une source de bonheur et de cohésion pour nous, devient parfois pour elle un enchevêtrement de malentendus et de conflits. Les différences générationnelles dressent des murs invisibles entre les jeunes et les moins jeunes.
Parfois, ni l’un ni l’autre n’est prêt à faire un pas vers l’autre. Et c’est ainsi que naissent les conflits, mais aussi la distance, une distance qui devient parfois irréversible. Cela fait mal. C’est pourquoi elle se retire délibérément,
non pas par solitude, mais pour trouver quelque chose de bien plus précieux : le silence. Ce silence tant recherché, cette douce tranquillité où le monde cesse de bouillonner et où la paix intérieure trouve enfin sa place.
Les querelles bruyantes, la tension constante, tout cela n’a plus de sens pour elle. Pour elle, ce n’est qu’une perte de temps, et il est beaucoup plus facile de rester à l’écart des drames familiaux.
Ceux qui souhaitent une vieillesse sereine et équilibrée choisissent souvent de se retirer dans leur petit univers. Les personnes âgées, surtout, attachent une grande valeur à leur espace personnel et n’autorisent à s’en approcher que
ceux qu’elles considèrent vraiment importants. Ainsi, elles préservent leur harmonie intérieure. Un écrivain célèbre, György, a formulé cette idée avec des mots qui m’ont bouleversé : « Les sages, une fois arrivés à l’âge avancé,
se retirent pour se protéger du bruit extérieur et se concentrer uniquement sur ce qui compte vraiment. » Cependant, cette solitude de la vieillesse n’est pas seulement un choix, elle pourrait être une préparation à la phase ultime de la vie.
Les psychologues soulignent toutefois qu’il est crucial de ne pas couper complètement les ponts. Il est essentiel d’avoir quelqu’un à qui parler, quelqu’un à qui confier ses peurs et ses préoccupations.
Qu’en pensez-vous ? Cette quête du silence est-elle véritablement la voie vers la paix intérieure, ou est-ce juste un moyen de se protéger du monde extérieur ?